
Espaces urbains, institutions, systèmes, subjectivation et nouvelles subjectivités sont coproducteurs dans les processus de désagrégation sociale...
Photo : Solos, par David Benavent
Nous prendrons comme hypothèse que les institutions en tant que médiatrices de l’expulsion portent en elles des instruments de pouvoir clés dans la subjectification et la socialisation. Cette mise de côté du sujet avec le paradoxe de l’assujettissement dans ses strictes limites de circulation, de propriété, d’identité, de citoyenneté est accompagnée paradoxalement du vide, l’abandon dans la production des absences, des interstices clés pour la survie. Cette rationalité instrumentale fait partie de la méthode et se trouve programmée institutionnellement, cette production a sans aucun doute deux victimes, le producteur et le produit, deux coproducteurs intimement liés dans les processus de désagrégation sociale.
Dans les pratiques et les discours institutionnels il est possible d’observer en profondeur trois dimensions notables en jeu : la disposition des espaces urbains, la conception du social et la création de la subjectivité. La production du macro-démantèlement du système et le repositionnement de l’autre laisse aux institutions régulatrices, autrefois disciplinaires, une double tâche : d’une part d’administrer l’ordre et la réhabilitation des sujets, les familles, les communautés dangereuses, et d’autre part de s’occuper des besoins des sujets, exprimés et traités individuellement. Ainsi la distribution spatiale – qui reflète la distribution du pouvoir et de la richesse sociale – se fragmente, est réprimée et produit des marcations dans les intenses processus de guettoisation, les quartiers ouvriers ne configurent plus un continuum spatial mais des fractures de circulation sociale. Dans cette dégradation les distances sociales s’accentuent et les occupations policières/militaires deviennent fréquentes, la violence fabrique la quotidienneté.
Photo : Industrial Mural par The Flying Enchilada
Dans ce contexte émergent de nouvelles subjectivités tragiques dont les cadres traditionnels populaires se dissolvent, ainsi que la famille dans sa structure, les rôles différencies, la domination : le sexuel, l’âge, le microéconomique se transforment. Dans cette écroulement sans remplacement la subjectivité transite et se sculpte sous forme de nouveaux collectifs de très différentes natures : d’assistance, de voisinage, de bandes, de conflit tribal et à son extrémité l’enfance, la vieillesse, le handicap, avec abandon et solitude. La légalité et l’illégalité n’ont pas de frontières, elles se juxtaposent, puisque survivre dans les exigences de la société hégémonique, qui se manifestent ouvertement, du supposé déjà réticulaire panoptique aveuglant dans ces espaces, exige à ses limites et à son intérieur des documents d’identité, un domicile fixe, le paiement des impôts nationaux et locaux, des services publiques privatisés, un vigilance privée… Ces facteurs deviennent co-constructeurs de nouvelles subjectivités vulnérables à l’extrême qui mènent à des projections explosives-implosives.
Les institutions conservent – entre mandats de privatisation, focalisation et assistanat – des formes tutélaires, assistancielles qui répondent aux symptômes, la qualité des souffrances sociales donne lieu à ces pratiques inabordables, et dans cette inabordabilité se trouvent les ressources de la légitimisation hégémoniques. L’impuissance ne produit pas de questionnement sur le faire mais la maigre expression de la limite imposée par les instances supérieures, la survie salariée et le savoir officiel acquis. Ainsi, l’intervention se formule sans la possibilité d’avancer sur les chaînes causales du sujet, du contexte et du système. La répétition, la dérivation et la réhabilitation sans aucun sens deviennent homologues du cours social de l’expulsion.


Face à un marché irresponsable, le combat des habitants pousse l’État à prendre ses responsabilités